L’édition 2016 de l’enquête “Conditions de travail” conduite sous l’égide du Ministère du Travail met en évidence une nette amélioration de celles-ci grâce notamment à une baisse de certaines contraintes psychosociales. Ces résultats prouvent que, contrairement à une idée reçue, les risques psychosociaux (RPS), loin de représenter une fatalité, peuvent être l’objet d’une prévention efficace.
Stabilisation des contraintes de rythmes de travail
“Après une période d’augmentation, l’exposition aux contraintes de rythme sur le travail se stabilise : en 2016 comme en 2013, 35 % des salariés subissent au moins trois contraintes de rythme de travail parmi les sept recensées”, remarquent les analystes de la Dares. Toutefois, ce constat général n’empêche pas des disparités selon les catégories socioprofessionnelles et le type de contraintes envisagé. Ainsi, la hausse se poursuit (de 46 % à 49 %) pour les ouvriers non qualifiés, ainsi que pour les “normes de production à satisfaire en une journée ou plus” qui concernent de 48 % des salariés en 2016 contre 46 % en 2013.
Hausse du travail dans l’urgence
Les données recueillies témoignent aussi d’une augmentation significative du travail dans l’urgence, particulièrement pour les femmes : 68 % déclarent désormais devoir “fréquemment abandonner une tâche pour une autre plus urgente” contre 65 % en 2013. “Cette hausse s’observe surtout pour les employés administratifs (+3 points), les professions intermédiaires et les employés de commerce et de services (+2 points), catégories où les femmes sont plus nombreuses”, expliquent les analystes de la Dares.
Toutefois, dans le même temps, la pression temporelle ressentie par les travailleurs se tasse légèrement : 45 % des salariés disent devoir se dépêcher “toujours ou souvent”, soit un point de moins qu’en 2013.
Réduction de la charge mentale
Autre bonne nouvelle : la réduction de la charge mentale. “En 2016, 44 % des salariés déclarent ‘devoir penser à trop de choses à la fois’ contre 49 % en 2013. Ce recul s’observe pour toutes les catégories socioprofessionnelles, particulièrement pour les ouvriers qualifiés (-7 points), les professions intermédiaires et les cadres (- 6 points). Ces derniers restent néanmoins les plus nombreux (57 %) à devoir ‘penser à trop de choses à la fois’”, relatent les experts. Les cadres affirment cependant bénéficier d’une baisse significative de la pression professionnelle : ils ne sont plus que 43 % à estimer “travailler sous pression” contre 51 % en 2013.
Stabilité des contraintes horaires
Les contraintes horaires sont stables voire en légère baisse : “Les salariés sont un peu moins nombreux en 2016 qu’en 2013 à ne pas disposer de 48 heures de repos par semaine, à ne pas connaître leurs horaires du mois à venir ou encore à ne pas pouvoir s’arranger avec leurs collègues”. De même, contrairement à ce que pouvaient laisser croire les virulents débats auquel il a donné lieu, le travail dominical recule légèrement chez les employés de commerce : 45 % travaillent le dimanche, soit une baisse de deux points par rapport à 2013 alors même que la loi du 6 août 2015 “pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques” a élargi les possibilités d’ouverture des commerces le dimanche dans les zones touristiques.
Belle progression de la coopération mais recul de l’autonomie
Signe que le mode management en vigueur dans les entreprises françaises continue d’évoluer dans le bon sens, 79,3 % des salariés disent bénéficier de “discussions collectives sur les questions d’organisation du travail” contre 69 % en 1998 et 78,7. Et cette tendance est confirmée par la hausse de la “possibilité de coopérer” qui s’établit à 90,8 % contre 86 % en 1998 et 90,5 % en 2013. Une tendance qui se retrouve aussi sur le terrain de l’entraide : en cas de travail délicat, 66,3 % des salariés déclarent pouvoir être aidé par un supérieur hiérarchique et 80,1 % pouvoir l’être par leurs collègues. Ils n’étaient respectivement que 59,4 % et 72,4 % à l’affirmer en 1998.
En revanche, la qualité du management semble de pâtir de l’emprise croissante des normes, standards et process contraignants. “L’autonomie et les marges de manœuvre des salariés poursuivent le déclin entamé depuis 1998, et ceci pour toutes les catégories socioprofessionnelles”, déplorent les analystes de la Dares. Ils soulignent ainsi que “les salariés sont de moins en moins nombreux à ‘choisir eux-mêmes la façon d’atteindre les objectifs fixés’ et à ‘pouvoir faire varier les délais fixés’.” Or, le manque d’autonomie contribue à fortement augmenter l’exposition des travailleurs aux risques psychosociaux (RPS).
Stabilité de la demande émotionnelle
En raison de la progression des activités de service, de plus en plus de salariés sont en contact avec le public : 73 % en 2016 contre 62 % en 1998. “Ce contact engendre souvent de l’intensité émotionnelle au travail : 46 % des salariés déclarent côtoyer ‘des personnes en situation de détresse’ et 54 % disent devoir ‘calmer des gens’, deux chiffres en légère hausse entre 2013 et 2016”, observent les experts de la Dares. En revanche, la proportion de salariés disant “vivre des tensions avec le public” demeure quasi stable. De même, 10 % des salariés estiment devoir “faire toujours ou souvent des choses qu’ils désapprouvent” : une proportion inchangée entre 2013 et 2016.
La prévention des RPS, enjeu managérial
Pris dans leur globalité, ces résultats démontrent que la prévention des risques psychosociaux n’est nullement, comme on l’entend encore trop souvent, une fatalité inscrite dans l’évolution de notre tissu productif. À l’instar des risques physiques, ils peuvent être identifiés, prévenus et combattus et commencent à l’être efficacement par les entreprises, du moins lorsqu’elles comprennent qu’il s’agit d’un enjeu managérial dont dépendent aussi leur bon fonctionnement et leur performance.
Pour aller plus loin : “Quelles sont les évolutions récentes des conditions de travail et des risques psychosociaux ?”, Dares Analyse n° 82, décembre 2017.