Les risques psychosociaux sont fréquemment associés aux rudes impératifs de compétitivité en vigueur dans le secteur privé, si bien que l’on imagine volontiers que les agents de la fonction publique y seraient moins exposés. Une récente étude du ministère de l’Action et des Comptes publics va à l’encontre de ce préjugé en établissant que le secteur public se retrouve, au contraire, en première ligne face aux RPS.
Dans l’imaginaire collectif, la fonction publique fait encore souvent figure de sanctuaire de quiétude professionnelle dans un monde du travail confronté à un accroissement des risques psychosociaux. Or, il n’en est rien ! Selon les données recueillies, en 2016, par la deuxième vague de l’enquête Condition de travail, les agents de la fonction publique seraient même davantage exposés aux principaux facteurs de risques psychosociaux que les salariés du privé.
Plus forte intensité du travail
Ainsi, selon les différents employeurs de la fonction publique, 56,3 % des agents publics travaillent dans des établissements dans lesquels au moins 10 % des salariés sont exposés par “la nécessité de travailler dans l’urgence”, ce qui n’est le cas pour 30,4 % des salariés du secteur marchand et associatif. Les expositions aux autres risques liés à l’intensité du travail confirment ce fort décalage avec le privé. Ils renvoient au “sentiment de ne pas pouvoir faire un travail de qualité” (46,6 % dans la fonction publique contre 16,6 % dans le secteur privé) et à une “charge de travail trop importante” (43,7 % contre 18,4 %).
Des tensions plus fréquentes
De façon plus frappante encore, les agents de la fonction publique semblent beaucoup plus exposés aux différentes tensions qui peuvent assombrir la vie professionnelle. Sans surprise, c’est vrai pour les “tensions avec le public” (41,3 % dans la fonction publique contre 18,1 % dans le secteur privé) mais aussi pour les “tensions avec la hiérarchie” (26,5 % contre 8,6 %) et les “tensions entre collègues” (33,8 % contre 10 %). Cette plus forte exposition des salariés la fonction publique se vérifie aussi pour les “horaires imprévisibles” (14 % contre 6,6 %). Comme le notent les auteurs de l’étude, “la seule exception porte, logiquement, sur la crainte du chômage qui ne concerne pas les agents titulaires de la fonction publique”. Ce qui signifie que les agents contractuels y sont en revanche confrontés au même titre que les travailleurs du secteur marchand et associatif.
La FP hospitalière surexposée
Comme en témoigne fréquemment l’actualité, les agents de la fonction publique hospitalière sont particulièrement exposés aux RPS. En raison de la nature de leurs métiers, une forte proportion de ces agents travaille dans des établissements confrontés à la “nécessité de travailler de l’urgence” (64,6 %) et à des horaires imprévisibles (31,2 %). Mais les taux sont également plus importants s’agissant du “sentiment de ne pas pouvoir faire un travail de qualité” (56,4 %), la “charge de travail trop importante” (51,1 %), les “tensions avec le public” (51 %), avec la hiérarchie (35,6 %) ou entre collègues (40,8 %). En revanche, une certaine amélioration a été enregistrée : “La part d’agents de la FPH travaillant dans un établissement où l’employeur a déclaré une exposition localisée ou généralisée baisse de 2013 à 2016 pour presque tous les risques, à l’exception des horaires imprévisibles qui restent stables”.
La FP territoriale pas épargnée
Enfin, à rebours de certains préjugés, les agents de la fonction publique territoriale ne sont nullement épargnés par les RPS. Selon leurs employeurs, ils sont en effet fort nombreux à travailler dans des établissements exposés à la “nécessité de travailler dans l’urgence” (53,6 %), au “sentiment de ne pas pouvoir faire un travail de qualité” (38,6 %), à une “charge de travail trop importante” (33,6 %), à des “tensions avec le public” (36,2 %), la hiérarchie (26,8 %) ou entre collègues (32,8 %). En revanche, ils sont beaucoup moins concernés par les “horaires imprévisibles” (5,8 % contre 14 % pour l’ensemble de la fonction publique et 8,4 % pour l’ensemble des travailleurs).
Une prévention trop peu formalisée
Les employeurs publics affirment être conscients de la nécessité d’agir. Selon leurs déclarations, 90 % des agents du secteur public travailleraient dans un établissement ayant pris, au cours des trois dernières années, des mesures pour prévenir les risques psychosociaux au travail. Toutefois, comme le soulignent les auteurs de l’étude, “ces actions ne sont pas toujours menées dans le cadre d’une démarche formalisée d’évaluation des risques”. Ainsi, seuls 50,4 % des agents publics (et 39,4 % des agents de la fonction publique territoriale) travaillent dans un établissement ayant élaboré ou mis à jour, au cours des douze derniers mois, un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) incluant les risques psychosociaux. Ce constat démontre que, pour relever le défi de la prévention des risques et de l’amélioration des conditions de travail, le secteur public n’a pas moins besoin que le secteur privé d’être épaulé par des partenaires experts en la matière.