Un employeur relaxé au pénal du chef de harcèlement moral peut toutefois être condamné au civil pour violation de l’obligation générale de prévention des risques. C’est ce que vient de souligner la chambre sociale de la Cour de cassation dans une décision du 6 décembre 2017 (1).
Les faits commencent par une procédure pénale engagée par des salariés de la grande distribution à l’encontre de leur employeur pour harcèlement moral. Comme le rappelle une récente note d’actualité des Éditions Tissot, “les témoignages recueillis de la part des salariés ont fait apparaître qu’ils étaient victimes de ‘colères, irrespect, manque de considération, pressions psychologiques, d’une hyper surveillance, d’humiliations du fait de réprimandes injustes ou vexatoires en public ou en situation d’isolement dans le bureau du directeur, de désorganisation de leur travail ou d’incitation à la délation et à des critiques forcées ou encore des pressions systématiques pour les plus vulnérables d’entre eux’ (2).” Toutefois, l’employeur est relaxé.
Relaxé des accusations de harcèlement moral
L’une des salariées, une caissière ayant démissionné de son emploi en raison du harcèlement moral dont elle estime avoir été victime, a cependant formulé “une demande de dommages-intérêts au civil pour violation de l’obligation de prévention des risques psychosociaux”. Comme elle a obtenu gain de cause devant la Cour d’appel, son employeur s’est alors pourvu en cassation en soulignant notamment qu’il avait été blanchi au pénal des accusations pour harcèlement moral. Mais la Cour de cassation ne l’a pas suivi, estimant que “l’obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail , est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l’article L 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle”.
Condamné pour défaut de prévention des risques
Dès lors, il ne restait plus à la Cour de cassation qu’à vérifier que la Cour d’appel avait été fondée à condamner l’employeur pour “manquement à son obligation de prévention des risques professionnels à l’égard de l’ensemble des salariés de l’entreprise”. Or, en relevant “qu’il ressortait notamment de divers procès-verbaux d’audition et d’un rapport de l’inspection du travail que de très nombreux salariés de l’entreprise avaient été confrontés à des situations de souffrance au travail et à une grave dégradation de leurs conditions de travail induites par un mode de management par la peur ayant entraîné une vague de démissions notamment de la part des salariés les plus anciens”, les juges de cassation ont donné raison à la Cour d’appel.
Une incitation à mieux prévenir les risques psychosociaux
Comme le commentent les experts des Editions Tissot, “un employeur peut ne pas être condamné pour harcèlement moral mais devoir réparation pour violation de son obligation générale de prévention des risques professionnels” car, “depuis 2007, le pénal ne tient plus le civil en l’état”. Et de conclure que cette jurisprudence “continue à inciter les employeurs à s’engager dans des démarches de prévention des risques professionnels”.
(1) Cour de cassation, chambre sociale, 6 décembre 2017, n° 16-10.889, librement consultable sur le site www.doctrine.fr. (2) “Prévention des risques psychosociaux : quelles obligations pour l’employeur ?”, Editions Tissot, 10/01/2018.