À l’occasion de la Semaine de la Qualité de vie au travail (QVT), Impact Prévention propose une série d’éclairages sur cette démarche novatrice. Le second volet de cette série souligne combien la QVT vise à apporter des réponses à trois ensembles d’enjeux au centre des préoccupations actuelles des entreprises : les enjeux sociétaux, les enjeux de santé au travail et les enjeux du marché.
La QVT, réponse aux enjeux sociétaux
Tout entrepreneur le sait : loin d’être coupées de la société, les entreprises sont immergées dans celles-ci et donc fortement tributaires de ses évolutions. Or, c’est peu dire que la société est entrée, depuis plusieurs décennies, dans une phase de transformation accélérée des modes de vie. “Accroissement du temps de trajet domicile-travail, augmentation des familles monoparentales, allongement de la vie professionnelle, développement des maladies chroniques, diffusion du modèle du couple travailleur… Liées aux évolutions des populations au travail et de leur mode de vie, les questions sociétales pénètrent depuis 20 à̀ 30 ans dans les entreprises avec des effets sur la santé, la performance et l’engagement”, remarquent les chercheurs de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).
Les démarches de QVT visent à trouver des réponses appropriées à ces évolutions. D’ailleurs, les entreprises ne s’y trompent pas. Une analyse des accords d’entreprises conclus dans le cadre de l’Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 a démontré que les enjeux sociaux (nouvelles pratiques sur l’égalité professionnelle, l’articulation des temps, le télétravail, etc.) sont les mieux pris en compte. Selon un rapport de l’Anact, “ces thèmes sont maintenant clairement abordés, avec des règles, des droits, des objectifs et des indicateurs de progrès”. Ainsi, s’agissant du sujet particulièrement sensible de l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, les accords conclus contiennent de nombreuses mesures relatives au télétravail, au don de RTT, aux horaires variables ou flexibles, à l’appui aux aidants familiaux, au temps partiel, aux congés de formation ou à l’organisation des éventuelles astreintes.
La QVT, réponse aux enjeux de santé mentale au travail
La QVT a bien sûr partie liée avec la prévention des risques professionnels dont elle constitue un prolongement. Ainsi, dans l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013, la QVT est définie comme “un sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué”. Cette définition aborde ainsi, en une sorte de miroir positif, une grande partie des facteurs de risques psychosociaux, relevant de l’intensité et temps de travail, des exigences émotionnelles, du manque d’autonomie, de rapports sociaux dégradés, de conflits de valeurs ou encore de l’insécurité de la situation de travail.
On peut ainsi considérer que les démarches du QVT représentent une approche globale et proactive de la santé psychologique au travail visant à prévenir le plus en amont possible la survenue possible des risques psychosociaux (RPS) par des actions portant sur la qualité de l’organisation et du management. Pour certains auteurs, la QVT s’apparente ainsi à une démarche de “prévention primaire” visant à promouvoir la santé mentale des travailleurs à long terme. Or, cette “prévention primaire” ne se substitue nullement aux actions de “prévention secondaire”, passant par la mise en place de moyens ciblés de prévention des RPS, ni aux actions de “prévention tertiaire” mettant en œuvre une gestion curative des effets des RPS sur la santé des travailleurs. La QVT ne remplace donc pas la prévention des RPS, elle la complète par une dynamique de progrès continu qui inclut les enjeux de santé au travail dans une quête de performance globale.
La QVT, réponse aux enjeux économiques
Pour caractériser l’environnement économique dans lequel elles évoluent, les entreprises recourent désormais volontiers à l’acronyme “VICA” signifiant “volatil, incertain, complexe et ambigu”. Dans un tel environnement, la survie des organisations dépend, de façon déterminante, de leur capacité à répondre avec agilité à des changements de toutes natures : technologiques, juridiques, sociaux, etc. Comme le souligne l’Anact, “liés aux évolutions des exigences des clients, à la concurrence marchande et aux mutations technologiques, les enjeux du marché poussent les entreprises à accroître les rythmes d’innovation (produits, services, process, organisations…). Cette tendance incite à agir en matière de formation des salariés, d’évolutions professionnelles, d’accompagnement des changements, elle incite également à soutenir l’engagement des salariés perçu comme un levier pour relancer l’innovation interne et gagner en compétitivité”.
Pour répondre au défi que représente l’émergence d’un environnement Vica, les entreprises ont été amenées à changer de paradigmes organisationnels et managériaux. En effet, tandis que dans l’ancien environnement stable et prévisible, elles pouvaient parfaitement s’accommoder d’un fonctionnement “command and control” visant à l’obéissance des salariés, dans un environnement instable, leur performance repose sur l’engagement des salariés, leur esprit d’initiative et leur réactivité face à des configurations et des demandes toujours nouvelles. En d’autres termes, alors que la valeur cardinale du management taylorien était la conformité, le management contemporain recherche la créativité individuelle et collective.
Or les démarches de QVT visent très clairement à soutenir le déploiement d’un tel management en favorisant l’engagement et la créativité des salariés. Il est ainsi significatif qu’au-delà de la promotion des conditions de travail, l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juin 2013 ait mis en avant des notions purement managériales telles que “le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation” et même “un droit à l’erreur accordé à chacun”. De la sorte, la QVT démontre que, loin de représenter un nouveau bouquet de contraintes prescrit par l’autorité publique, elle représente une réponse opérationnelle aux défis qui caractérisent la vie des entreprises contemporaines.