À l’occasion de la Semaine de la QVT, Impact Prévention se penche sur le rôle crucial que cette démarche est appelée à jouer pour réussir la reprise du travail à l’issue de la crise sanitaire. Le premier volet de cette série souligne combien il est nécessaire de porter une attention renouvelée au besoin de sens au travail.
Pour nombre de travailleurs, astreints au chômage partiel ou au télétravail, la crise sanitaire a été un été une période propice à l’introspection. Dans le temps suspendu du confinement, chacun a été conduit à faire le point sur sa vie mais aussi sur sa carrière et son travail. Comme l’a déclaré la sociologue du travail Dominique Méda dans une interview au magazine Pour l’Eco, avec cette expérience “nous allons apprendre énormément de choses sur la place du travail dans nos vies”.
De nouvelles attentes professionnelles
Toutes les configurations sont envisageables. Certains ont expérimenté que leur activité professionnelle habituelle leur a manqué plus qu’ils ne l’imaginaient. Ils ont découvert qu’ils regrettaient de ne pouvoir se rendre à leur bureau ou à leur atelier et qu’être éloignés de leurs collègues leur pesait. Alors qu’auparavant ils considéraient leur travail comme une corvée, ils l’envisagent maintenant comme un élément de leur équilibre personnel. D’autres, au contraire, ayant redécouvert les joies de la vie de famille, estimeront que leur emploi n’est pas assez gratifiant et ne répond pas à leurs attentes. “Ceux qui ont eu moins de travail ont disposé de davantage de temps pour repenser aux rêves qu’ils n’ont pas réalisés”, constate Timothé Ameline, responsable des études d’un site d’aide à la réalisation de CV en ligne, dans une contribution aux Échos.
Preuve que cette réflexion ne peut être confondue avec une rêverie sans lendemain, les professionnels de l’orientation professionnelle ont enregistré, durant cette période, une recrudescence d’activité : nombre de salariés français ont ainsi envisagé de changer de métier ou d’entreprise et ont commencé à explorer des possibilités de mobilité professionnelle ou géographique. Une étude menée par HelloWork, une société spécialisée dans les offres d’emploi sur Internet, a établi que “les profils déjà en poste qui avaient commencé à prospecter avant la crise n’ont pas stoppé leur démarche. Et 86 % des répondants se disent enclins, malgré la situation actuelle, à postuler ailleurs”.
Pour les experts, cette quête confirme le statut très particulier du travail pour nos compatriotes. Comme l’avait noté Dominique Méda dans un ouvrage devenu un classique, plus que leurs collègues étrangers, les travailleurs français se signalent par “leurs attentes extrêmement fortes en matière de réalisation et d’expression de soi dans le travail”.
Un profond désir de s’épanouir au travail
On aurait donc tort de croire qu’à l’issue du confinement les attentes des travailleurs se résumeront à une aspiration renforcée au télétravail ou à la quête d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle ou vie privée. “S’en tenir à des mesures organisationnelles ou de confort passerait à côté de l’essentiel. En effet, les attentes professionnelles exacerbées par la crise sont plutôt de nature existentielle. Les travailleurs ne veulent pas être maternés et infantilisés mais grandir et se réaliser dans leur travail !”, souligne à raison le cabinet DeltaLead dans une vaste étude sur le managament après le Covid. Or ces aspirations forment précisément le cœur de la Qualité de vie au travail (QVT) qui, dans son acception la plus complète, vise à créer les conditions permettant que les travailleurs s’épanouissent dans leur activité professionnelle.
Celles-ci sont connues de longue date. Dès les années 1960, Eric Lansdown Trist, chercheur en psychologie sociale et co-fondateur du mouvement “Qualité de vie professionnelle” avait identifié une série de facteurs permettant aux employeurs de favoriser le bien-être psychologique de leurs travailleurs : “leur faire connaître et comprendre la nature du travail qu’ils effectuent”, “favoriser leur apprentissage durant le processus du travail”, “leur autoriser un certain degré de liberté et d’initiative dans l’accomplissement des tâches”, “les reconnaître socialement”, “leur permettre de situer leur travail par rapport à la politique générale de l’organisation”, “leur faire sentir que leur travail est socialement utile”.
La QVT, facteur clef de performance
Ces attentes légitimes ne sont donc pas nées avec la crise. Mais, de façon consciente ou non, elles vont désormais prendre une importance croissante pour des travailleurs qui, pendant de longues semaines ont levé le nez du guidon et porté un regard neuf sur leurs missions et leur façon de les accomplir. Nul doute que la capacité des entreprises à prendre en compte ces aspirations légitimes contribuera à déterminer la loyauté et l’engagement de leurs salariés et tout particulièrement des meilleurs éléments. Dans le fameux “monde d’après”, l’attention prêtée à la QVT déterminera plus que jamais la performance globale des organisations.