La QVT dans l’après-Covid (2/5) : recréer la cohésion des équipes et résoudre les conflits

À l’occasion de la Semaine de la QVT, Impact Prévention se penche sur le rôle crucial que cette démarche est appelée à jouer pour réussir la reprise du travail à l’issue de la crise sanitaire. Le second volet de cette série insiste sur la nécessité de ressouder les collectifs de travail et de prendre garde à l’émergence de conflits liés à la disparité des situations vécues pendant le confinement.

Bien sûr, la crise sanitaire provoquée par la Covid-19 a impacté l’ensemble des Français. Et il est vrai que les épreuves collectives sont, pour les êtres humains, des occasions de se serrer les coudes. Lors de son allocution du 16 mars dernier, Emmanuel Macron ne s’y était pas trompé en appelant à “l’unité nationale”. Reste que, même généralisé, le confinement n’a pas été vécu de la même façon par tous, loin de là ! Si bien qu’il risque d’accentuer encore les fractures qui traversent la société française et les entreprises.

Accentuation d’anciennes fractures

Directeur du département Opinion & Entreprises de l’Ifop et fin, Jérôme Fourquet met en garde dans Les Échos : “Cette épidémie a dessiné une nouvelle ligne de partage entre télétravailleurs, actifs continuant d’occuper leur poste de travail sur site et les personnes en chômage technique. Chacun de ces groupes nouveaux pèse à peu près un tiers des actifs. C’est une tripartition inédite qui recoupe en partie les clivages classiques. Près des deux tiers des cadres et professions intellectuelles télétravaillent contre 10% seulement des employés et 50 % des ouvriers. Au sein d’une même entreprise parfois, le confinement n’aura pas été vécu de la même manière entre les différentes catégories de salariés”.
Au-delà de cette tripartition, la variété des situations personnelles des membres de l’entreprise a été infinie. Bien évidemment, le confinement ne laissera pas les mêmes souvenirs selon qu’on l’a traversé à la ville ou à la campagne, dans un appartement exigu ou dans une maison de campagne, isolé ou en famille…
D’autant que, face aux situations exceptionnelles, le profil psychologique joue aussi un rôle déterminant. Comme le soulignait Cécile Perret du Cray, psychologue sociale et directrice technique d’Impact Prévention, dans une récente interview, “en rester au plan collectif n’a pas beaucoup de sens car, bien évidemment, chaque individu réagit différemment avec son caractère, son histoire et ses ressources psychiques propres”. Ainsi, dans toutes les équipes, certains ont été tétanisés et d’autres galvanisés.

Bouleversement des prestiges professionnels

Conformément à son étymologie – le terme de crise provient du grec krisis signifiant “séparer”, “distinguer” -, toute crise rebat les cartes et crée inévitablement de nouvelles hiérarchies sociales. Auteur d’un ouvrage sur la révolte des Gilets jaunes, Denis Maillard souligne, dans une récente tribune, qu’au lendemain de la crise, des titulaires de métiers auparavant dévalorisés se retrouvent auréolés d’un prestige inédit parce qu’ils se sont révélés indispensables au fonctionnement de la société : “Ce sont ceux qui continuent chaque nuit et chaque matin de mettre en ligne ou en rayons, d’acheminer ou de livrer des milliers de produits que les citoyens confinés vont consommer le reste de la journée : logisticiens, caristes, manutentionnaires, chauffeurs, livreurs, caissières, aides à domicile… ils sont là, fidèles au poste et la peur au ventre”. Un avis partagé par Dominique Méda, professeur de sociologie à l’Université Paris Dauphine, qui estime, dans les colonnes de Pour l’Éco, que “l’un des premiers enseignements de la crise sanitaire, c’est qu’il est urgent de réétudier la ‘hiérarchie’ sociale des métiers relativement à leur utilité réelle”.
Et ce phénomène va également agiter le corps social qu’est l’entreprise. “Les travailleurs qui, pour certains ne se sont pas vus pendant des semaines ou des mois, vont vivre la reprise du travail collectif avec des souffrances, des inquiétudes et des attentes qui leur sont propres. C’est évidemment là un terrain propice au développement d’incompréhensions, de rancoeurs, voire d’antagonismes”, met en garde Jean-François Guillot, président du cabinet de conseil en relations sociales Cardinale sud.

Détecter les tensions et résoudre les conflits

Dans ce contexte particulier, le maintien de la cohésion et de l’esprit de coopération figurant au cœur des objectifs de la Qualité de vie au travail devra faire l’objet d’une attention particulière de la part des managers. C’est en effet, à eux qu’il reviendra d’apaiser les rancœurs, de lever les incompréhensions et de déminer les conflits qui risquent de mettre à mal les collectifs de travail. En plus de leur rôle habituel de chef d’équipe, ils vont devoir endosser celui de médiateur. Or tous n’y sont pas préparés car l’art de la médiation repose sur des compétences spécifiques et des méthodes éprouvées qui, pour ne prendre qu’un exemple, ne recoupent pas celles relevant du dialogue social.
Ces compétences peuvent toutefois s’acquérir aux moyens de formations dédiées permettant de “comprendre et identifier les différents types de conflits, détecter les signaux qui révèlent des tensions” et bien sûr de “prendre les mesures adéquates pour prévenir les conflits et les résoudre”. Enfin, en cas de conflit avéré l’organisation peut aussi faire appel à un médiateur professionnel capable, par ses compétences et son expérience, de faire émerger des solutions réalistes et partagées, de réguler les tensions et ainsi de rétablir des relations professionnelles apaisées et apaisantes dans un climat de confiance durable.

La QVT au service de l’agilité

Porter ainsi attention à l’ambiance de travail, comme le prescrit la QVT, peut sembler superflu dans une période où nombre d’entreprises vont devoir faire face aux défis de la reprise de la production et de la reconstitution de leurs marges, voire à des enjeux de survie. En réalité, il n’en est rien ! En effet, les périodes marquées par de telles adaptations sont tout à la fois celles qui exigent le plus d’agilité – et donc de coopération fluide entre les membres de l’entreprise – et celles les plus propices à l’éclosion de conflits car chacun doit alors se repositionner et sortir de sa zone de confort. Dans ce contexte probablement appelé à durer, l’attention portée à l’ambiance de travail et la prévention des tensions se révèle donc plus vitale que jamais.