À l’occasion de la Semaine de la QVT, Impact Prévention se penche sur le rôle crucial que cette démarche est appelée à jouer pour réussir la reprise du travail à l’issue de la crise sanitaire. Le quatrième volet de cette série souligne la nécessité de prendre en compte les impacts de la crise sanitaire et du confinement sur l’état psychologique des salariés.
Quel a été l’impact de la crise sanitaire et du confinement sur la santé mentale des travailleurs ? Impossible évidemment de généraliser. Comme l’écrit l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), “tous les salariés auront vécu cette situation exceptionnelle chacun de façon différente. Certains auront été malades, auront dû soigner leurs proches ou affronter un décès. Ils auront pu également être affectés par la rupture des contacts sociaux, les difficultés matérielles ou technologiques, l’isolement, le décrochage professionnel, le sentiment d’inutilité… Tout cela aura eu un impact différencié sur la façon dont ils ont pu vivre et travailler pendant cette période”.
Accroissement des risques psychosociaux (RPS)
Un sondage réalisé par Odoxa-CGI pour France Info et France Bleu confirme cette disparité des situations selon de nombreux facteurs. Ainsi, 50% des femmes s’y déclaraient “anxieuses” et “stressées” contre 36% des hommes. Et si 32% des parents disaient “trouver leurs enfants nerveux”, le pourcentage grimpait à 58 % pour les familles vivant dans moins de 30 m² et à 70% lorsqu’elles vivent dans des quartiers considérés comme défavorisés.
Reste que, par-delà cette infinie variété de situation, quelques données globales incitent à porter une attention redoublée à l’état psychologique des salariés lors de la reprise du travail. Une étude du Cevipof de SciencesPo a ainsi établi qu’après une semaine de confinement, la consommation de médicaments pour lutter contre le stress, l’anxiété ou les insomnies avait déjà augmenté de 9 %. Au chapitre des addictions, l’institut Ipsos a également constaté une hausse de la consommation d’alcool chez 15 % des sondés entre fin mars et début avril. Or, comme le souligne Cécile Perret du Cray, psychologue sociale exerçant au sein d’Impact Prévention, “la consommation croissante de substances psychotropes est évidemment un signal fort d’une dégradation de l’état psychologique des individus”.
Les pathologies associées au confinement
Quelles sont alors les principales pathologies mentales qui pourraient affecter les salariés à l’issue de cette épreuve ? L’éventail est large et le diagnostic délicat à établir pour un non-spécialiste car les symptômes associés sont souvent les mêmes : anxiété, troubles du sommeil, désir d’isolement, perte d’appétit ou au contraire propension à la boulimie, maux de tête ou de dos… Parmi les pathologies possibles, la presse a fait une large place au stress post-traumatique en s’appuyant sur une étude de la revue The Lancet compilant divers travaux consacrés aux personnes mises en quarantaine lors de précédentes épidémies. Une situation certes proche mais pas parfaitement analogue puisque les quarantaines sont généralement à la fois plus strictes et plus courtes que le confinement généralisé imposé aux Français lors de la crise de la Covid-19. Il est donc trop tôt pour annoncer une vague de stress post-traumatique.
Pas question toutefois de balayer d’un revers de main les autres pathologies mentales favorisées par la crise. Comme le soulignent divers psychiatres cliniciens consultés par Apivia Prévention (Groupe Macif), “le confinement peut effectivement entraîner des symptômes de stress aigu, voire des dépressions, et il peut contribuer à renforcer les troubles de personnes déjà fragiles”. Dès lors, les employeurs sont fortement incités à prendre des mesures pour protéger la santé mentale de leurs salariés lors de la reprise du travail.
Réduire les RPS lors de la reprise
Cécile Perret du Cray attire notamment l’attention sur les points suivants :
– Il est fortement conseillé de réaliser un entretien individuel de reprise du travail, de façon à s’enquérir de la situation de chaque collaborateur, sans être trop intrusif mais en lui offrant toutefois la possibilité de confier ses éventuelles inquiétudes. Dans le même ordre d’idée, il est nécessaire d’alerter les managers de proximité sur les risques psychosociaux associés à la reprise, de façon à ce qu’ils soient mieux à même de détecter les salariés fragilisés auxquels il conviendra alors de proposer un accompagnement psychologique individuel.
– Il convient bien évidemment aussi de prendre toutes les mesures qui permettront de rassurer les salariés quant à un éventuel risque de contamination sur le lieu de travail : il ne faut pas que la reprise suscite un surcroît d’anxiété !
– Dans un contexte économique incertain, donc anxiogène, il est également essentiel de communiquer de façon claire, transparente et factuelle sur les conséquences de la crise sur l’entreprise : son état financier, ses perspectives, ses éventuelles transformations organisationnelles, etc.
– Enfin, de façon plus durable, il faut engager une vraie réflexion sur la Qualité de vie au travail (QVT) en veillant notamment à ce que les décisions prises pour rattraper les retards, reconstituer la trésorerie ou améliorer l’organisation ne débouchent pas sur une surcharge exagérée et prolongée de travail.
L’occasion d’une démarche globale de QVT
Ce dernier point mérite que l’on s’y arrête. Il souligne en effet que la santé mentale au travail ne saurait être envisagée sur le seul mode curatif. Au-delà du soutien ponctuel apporté à tel ou tel salarié particulièrement affecté par la crise, le souci du bien-être psychologique des travailleurs doit en effet s’inscrire dans une démarche globale de QVT. Propice à l’accélération des projets de transformation, la période actuelle est ainsi particulièrement bien choisie pour faire de la bonne santé psychologique des salariés un facteur déterminant de la performance des organisations. Ce serait aussi là un projet très mobilisateur pour les salariés du “monde d’après” !