À l’occasion de la Semaine de la Qualité de vie au travail (QVT), Impact Prévention propose une série d’éclairages sur cette démarche novatrice. Le cinquième et dernier volet de cette série souligne que la mise en œuvre d’initiatives de QVT, loin d’être l’apanage des entreprises privées, se révèle particulièrement fructueuse dans la fonction publique et singulièrement dans des collectivités territoriales soumises, depuis quelques années à de forts enjeux de transformation et de maîtrise des coûts.
“Pour les collectivités, la diversité des missions à assurer est un défi permanent, tant il est difficile d’ajuster les moyens aux objectifs. Pourtant les autorités territoriales, en charge des conditions de travail de leur personnel, doivent veiller à cet équilibre. Des situations stressantes, des instructions contradictoires, des conflits non gérés, des changements incessants, un manque de reconnaissance génèrent une souffrance au travail préjudiciable au service aux habitants. Or le bien-être au travail des agents est un élément fort de la qualité du service public”. Ce constat a été posé voici quelques années par Jean-Claude Haigron, Président du Centre de gestion de la fonction publique territoriale d’Ille-et-Vilaine, en introduction d’un guide consacré à la prévention des risques psychosociaux (RPS) dans les petites et moyennes et moyennes collectivités territoriales. Il illustre parfaitement les bienfaits que peuvent apporter les démarches de QVT à des collectivités placées sous tension par la nécessité de “faire mieux avant moins”.
La QVT : une démarche, non une thématique
On ne s’étonnera donc pas que, depuis de nombreuses années, la Direction générale de la fonction publique (DGFP) incite fortement les différents acteurs de la fonction publique, à commencer par les collectivités territoriales, à engager des démarches de QVT. “Démarche” : le mot figure au centre de la réflexion des acteurs publics s’agissant de la QVT. Un guide réalisé par la DGFP avec le soutien de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail précise ainsi que la “QVT est une démarche et non une thématique”. Et de préciser : “Dans le secteur public, l’amélioration de la qualité de vie au travail est donc une démarche qui regroupe toutes les actions qui permettent de combiner qualité des conditions de vie et de travail des agents et qualité du service public. Une démarche QVT n’est donc pas un nouveau sujet autonome à traiter, par exemple pour remplacer le sujet des RPS, ni une nouvelle thématique se surajoutant à celles déjà en cours de mise en œuvre”.
La QVT pour relever les défis des collectivités
Pour la DGFP, les démarches de QVT ne peuvent pas être envisagées indépendamment des projets en cours ou à venir dans la collectivité concernée : réorganisation, changement de logiciel, évolution des missions d’un service… L’avantage de la QVT ? Combiner l’ensemble des enjeux mobilisés par ces sujets, de façon globale et optimale. En effet, pour mener à bien un projet, toute organisation doit “traiter simultanément les enjeux du travail, sociétaux et de performance” en évitant toute pensée hémiplégique.
Une démarche de QVT a ainsi pour but de combiner les “enjeux du travail” comme le besoin d’une plus grande autonomie et de sens au travail, avec les “enjeux sociétaux”, tel le désir contemporain d’un meilleur équilibre des temps vie professionnels et privés, et les “enjeux de performance”, comme la qualité du service rendu au public.
Une dynamique de bien-être et de performance
Cette conciliation n’est pas aussi complexe qu’on ne le croit car, à rebours d’une vision erronée héritée du mode de pensée taylorien, bien-être des agents et qualité du service, loin d’être antagonistes, vont de pair.
Comme le précise la DGFP, “le fondement de cette approche est le lien démontré entre qualité de service et qualité des conditions de travail des agents. En effet, la qualité de vie au travail des agents est largement déterminée par la possibilité pour eux de faire un travail de qualité et, à l’inverse, la qualité du service rendu est largement déterminée par la qualité des conditions de travail perçue par les agents”.
La QVT au carrefour du global et du local
Au-delà de ces positions de principe, la QVT est une démarche opérationnelle qui exige de s’intéresser aux leviers qui influent positivement ou négativement sur les conditions de travail des agents. Traditionnellement, on en distingue six qui méritent une attention soutenue et doivent être interrogés au fil des étapes d’un diagnostic QVT :
- contenu du travail,
- santé au travail,
- compétences, parcours professionnels,
- égalité professionnelle,
- management, engagement,
- relations au travail, climat social.
Ainsi qu’on le voit, la QVT, loin de représenter un simple état d’esprit ou une culture, représente donc bien une démarche opérationnelle qui se met en œuvre au carrefour du global et du local en prenant toujours en compte les singularités de l’entité qui s’y engage. “La QVT, précise une étude consacrée aux services de soin, s’appréhende surtout au regard d’enjeux locaux et d’une situation concrète. Il appartient à chaque établissement de construire son propre chemin de qualité de vie au travail”. Cette observation vaut bien sûr également pour les collectivités territoriales.
La QVT, alliée de la culture de projet et de progrès
La QVT est donc foncièrement une démarche “appliquée”. Elle n’est pas plaquée sur le réel mais part de celui-ci. Elle porte sur le travail réel des agents mais dans une posture dynamique qui envisage chaque projet comme une occasion de progrès collectif.
La DGFP souligne : “Une démarche QVT porte tout particulièrement sur les projets en cours ou à venir de toute nature : organisation de l’accueil au public, modification de l’organisation liée à l’introduction d’un nouveau service ou d’une nouvelle technologie, modification de l’activité liée à une nouvelle réglementation, etc. Mener une démarche QVT signifie conduire chaque projet particulier en associant les agents, en tenant compte de leurs situations concrètes de travail et en organisant des échanges entre toutes les parties prenantes.”
La QVT, vecteur d’une révolution de la créativité
Cette façon de faire va de pair avec une volonté d’expérimenter de nouvelles façons de faire, puisqu’il s’agit d’imaginer, collectivement, de nouvelles façons de faire, jugées plus optimales, et d’introduire dans une culture de la conformité – encore très prégnante dans un secteur public soumis à de nombreuses normes – une belle dose de créativité en s’appuyant sur l’intelligence des agents et leur connaissance intime de leur métier. De la sorte, la QVT est l’instrument d’une petite révolution et l’expression d’une conviction : c’est en donnant à leurs agents des latitudes pour gérer activement leur travail que les collectivités territoriales pourront relever le difficile mais beau défi qui leur est adressé de remplir leurs missions auprès des administrés dans un contexte politique et social tendu ayant démontré le rôle crucial joué par les services publics de proximité dans tous les territoires.