Évaluation et prévention des risques psychosociaux : les employeurs s’engagent !

Selon une étude réalisée par le ministère du travail à partir de données recueillies en 2016, les risques psychosociaux font de plus en plus fréquemment l’objet d’actions d’évaluation et de prévention, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. C’est un nouveau signe que la protection de la santé mentale des travailleurs est désormais pleinement considérée comme un levier d’efficacité managériale.

Le premier progrès identifié par l’étude du ministère du travail porte sur l’évaluation des risques psychosociaux. Comme on le sait, depuis 2001, les employeurs doivent élaborer un document unique d’évaluation des risques (DUER) identifiant les risques encourus par les salariés sur leur lieu de travail et l’actualiser chaque année, voire lorsqu’un changement significatif se produit dans une unité de travail. Or ce document ne porte pas sur les seuls risques physiques mais aussi sur les risques psychosociaux qui doivent également être diagnostiqués. En effet, l’article L 4121-1 du Code du travail précise que “l‘employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs”.

Les RPS mentionnés dans 40 % des documents uniques

Cette nécessité est de mieux en mieux intégrée par les employeurs. En effet, l’étude du ministère établit qu’en 2016, “le DUER – quand il existe – intègre la question des risques psychosociaux (RPS) dans près de 40 % des cas contre 30 % en 2013”. Plus significatif encore : “Cette augmentation intervient dans tous les secteurs d’activité et toutes les tailles d’établissement, y compris dans les établissements du secteur privé de moins de 10 salariés où cette proportion passe de 22 % à 30 % en trois ans. Dans la fonction publique hospitalière et dans les établissements de 250 salariés ou plus, plus de 80 % des DUER intègrent les RPS en 2016.”

Ce mouvement de fond s’appuie sur une prise de conscience quant à la présence des risques psychosociaux dans le monde du travail. Le déni n’est plus de mise puisque, en 2016, “29 % des employeurs déclarent qu’au moins 1 salarié sur 10 est exposé à un des huit risques psychosociaux (RPS) répertoriés” (1). Or, dans ces établissements déclarant que 10 % ou plus des effectifs sont exposés aux risques psychosociaux, ces derniers sont deux fois plus souvent mentionnés que dans les autres établissements. Et tout cela n’est pas vain car ces établissements dits “exposants aux RPS” déclarent “plus que les autres avoir mis en place une ou plusieurs procédures pour prévenir ces difficultés”.

Un tiers des établissements actif dans la prévention des RPS

Du reste, cette attention redoublée s’inscrit dans une dynamique de progrès globale. En effet, “environ un tiers des établissements ont pris au moins une mesure pour prévenir les risques psychosociaux au cours des trois années précédant l’enquête de 2016”. Les experts précisent que “les mesures prises peuvent être d’ordre individuel (procédures de signalement de salariés en situation de risque, de salariés ayant des conduites addictives, assistance aux salariés de manière confidentielle) ou collectif (aménagement des horaires, modification de l’organisation du travail, mise en œuvre de procédures de résolution des conflits). Un troisième type de mesure contre les risques psychosociaux, moins fréquent, est la formation spécifique des salariés ou des managers à la prévention”.

Dans certains secteurs, les progrès de la prévention sont même spectaculaires. C’est le cas des établissements publics hospitaliers : 95 % ont réalisé une action de prévention contre les RPS en 2016 contre 80 % en 2013. De même, dans le secteur privé, “la part des établissements de 50 à 250 salariés ayant mis en œuvre des actions contre les RPS est passée de 74 % à 81 %”. Enfin, si les “très petits établissements”, comptant moins de 10 salariés, sont moins actifs en la matière, l’étude relève toutefois que “dès lors qu’un de leurs salariés est exposé, ils sont beaucoup plus actifs”.

Identification de “facteurs aggravant les RPS”

Au-delà de la mesure des progrès réalisés, l’étude présente des pistes pour renforcer la prévention des RPS de façon ciblée. En effet, les experts ont identifié de possibles “facteurs aggravant les risques psychosociaux”. Ils précisent ainsi que “les changements organisationnels importants (de type restructuration, changement d’équipe de direction, déménagement) contribuent très vraisemblablement à l’exposition des salariés/agents aux risques psychosociaux. En effet, les directions qui signalent de tels changements déclarent deux fois plus souvent avoir des salariés exposés aux RPS”.
De même, “les objectifs chiffrés, qu’ils soient au niveau individuel ou au niveau de l’équipe, vont aussi de pair avec l’exposition aux risques psychosociaux. Les employeurs qui déclarent que leurs salariés doivent atteindre des objectifs chiffrés signalent deux fois plus souvent que leur établissement comporte des RPS. Le suivi informatique de l’activité des salariés est lui aussi largement corrélé avec les expositions aux RPS”.

La prévention des RPS, sujet managérial

De la sorte, les auteurs de l’étude souhaitent certainement inciter les établissements concernés à se montrer plus actifs dans la prévention. Mais ils soulignent aussi un point fondamental : loin de représenter une question subsidiaire, la prévention des RPS représente un authentique sujet managérial dont la prise en compte conditionne le bon fonctionnement de l’entreprise. Peut-être est-ce d’ailleurs la raison qui explique les progrès réalisés ces dernières ?

(1) Pour mémoire, il s’agit de la nécessité de travailler dans l’urgence, des tensions avec le public, la clientèle, les patients ou les usagers, d’une charge de travail trop importante, des horaires de travail imprévisibles, d’un risque ressenti de perdre son emploi, du sentiment de ne pas pouvoir faire un travail de qualité, des tensions avec la hiérarchie ou encore des tensions entre collègues.