Alors que le gouvernement envisage une refonte du système français de santé au travail, les sénateurs Stéphane Artano et Pascale Gruny ont rendu, début octobre, un rapport proposant de renforcer considérablement les moyens alloués à la prévention des risques psychosociaux (RPS). Ils insistent particulièrement sur la nécessaire sensibilisation de tous les travailleurs à ces risques en fort essor.
Près d’un an après la remise au Premier ministres du rapport de Charlotte Lecocq sur la réforme du système de santé au travail, la Commission des affaires sociales du Sénat s’invite dans le débat en présentant un rapport alternatif réalisé par les sénateurs Stéphane Artano et Pascale Gruny. Outre de nombreuses propositions relatives à la rationalisation de l’action de “la multitude d’opérateurs intervenant dans la prévention des risques professionnels”, ce rapport propose de prendre à bras-le-corps “l’enjeu de la prévention des risques psychosociaux et de l’amélioration de la qualité de vie au travail”.
L’essor des risques psychosociaux
Cette volonté part d’un constat largement partagé sur l’évolution des risques professionnels. Les auteurs soulignent que “le monde contemporain du travail présente un paradoxe”. En effet, tandis que “la préservation de l’état de santé des travailleurs impliqués dans des formes pénibles de travail, en particulier dans le secteur industriel, a tendance globalement à s’améliorer”, on observe parallèlement “une intensification du travail et des pressions qui lui sont associées, en termes de performance, d’engagement et de responsabilisation des travailleurs”. D’où une nouvelle physionomie des risques professionnels : “Si les contraintes physiques ont tendance à se réduire dans le monde du travail, l’évolution des modes d’organisation des entreprises entraîne un développement des risques psychosociaux”, écrivent Stéphane Artano et Pascale Gruny.
La prévention des RPS, enjeu collectif
Conscients des coûts exorbitants que représentent les RPS pour les entreprises et la collectivité, notamment en raison de l’absentéisme qu’ils génèrent, les deux sénateurs en appellent à une mobilisation collective de tous les travailleurs et non des seuls dirigeants et personnels encadrants. Rappelant que, selon l’article L. 4122-1 du Code du travail, “il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail”, ils estiment que “la préservation de la santé mentale des salariés est une responsabilité non seulement de l’employeur mais également de chaque travailleur et de l’ensemble du collectif de travail”.
Obligation d’information et de formation
Pas question toutefois d’y voir une façon d’exonérer la responsabilité spécifique des employeurs ! Pour Stéphane Artano et Pascale Gruny, celui-ci a en effet, parmi d’autres obligations, celle de mener des “actions d’information et de formation” de ses salariés sur les risques professionnels auxquels ils sont exposés. En d’autres termes : si tous les salariés doivent se mobiliser contre les RPS, alors il faut leur en donner les moyens, à commencer par une connaissance minimale du sujet. Selon les sénateurs, on serait encore loin du compte car “si des actions de sensibilisation aux RPS se développent auprès des encadrants, elles ne semblent concerner encore que marginalement les travailleurs non-encadrants. Or la prévention et l’identification d’une situation de RPS, de même que le protocole de gestion de ce type de risque professionnel, doivent être maîtrisées par l’ensemble du collectif de travail”.
Diffuser une culture de prévention des RPS
Pour diffuser une culture des RPS, les auteurs proposent de “déployer, sous l’égide de l’agence nationale de la santé au travail [qu’ils souhaitent créer, ndlr], un plan de formation national à destination des encadrants, des salariés et des personnels de l’inspection du travail à la prévention des RPS et à l’évaluation de l’impact de l’organisation du travail sur l’état de santé des salariés”. Mais, conscients que ce projet ambitieux relève encore du vœu pieux, ils entendent aussi créer les conditions d’une plus forte implication des entreprises en proposant “d’accorder une ristourne sur le taux de cotisation AT-MP aux entreprises ayant permis la formation d’au moins 50% de leur effectif à la prévention et à la gestion des RPS dans un délai déterminé par la caisse régionale de la santé au travail”.
La nécessité d’un langage commun sur les RPS
Pour les experts de la prévention des risques professionnels, ces propositions témoignent d’une prise de conscience salvatrice quant au manque de connaissances de la plupart des acteurs de l’entreprise sur la véritable nature des RPS. Comme nous ne cessons de le répéter la prévention des RPS est aujourd’hui considérablement polluée par des raccourcis médiatiques ou entravée par des biais idéologiques de toutes natures. Certains résument les RPS au seul burn-out. D’autres tentent de les mettre au service d’un discours hostile à l’entreprise. Pour y remédier, Impact Prévention propose dès à présent des “modules de sensibilisation aux enjeux des RPS au profit des managers, des représentants du personnel et des travailleurs”. À la fois théoriques et pratiques, ils permettent aux différents acteurs et niveaux hiérarchiques d’acquérir des connaissances minimales et surtout un langage commun sur les RPS. C’est en effet là un préalable indispensable à une mobilisation de toutes les énergies contre ce fléau.