Face à la préoccupation croissante suscitée par les risques psychosociaux, le réseau Pôle Prévention, auquel appartient Point Org Sécurité, s’est associé à une nouvelle structure spécialisée dans la gestion de ces risques spécifiques : Impact Prévention. Président de cette nouvelle entité, Philippe Mège, – par ailleurs responsable du réseau d’intervenant de Point Org Sécurité -, présente la façon dont elle entend épauler les entreprises dans la prévention de ces risques.
En quoi la création d’Impact Prévention complète-t-elle l’offre, déjà fort complète de Point Org Sécurité et du réseau Pôle Prévention auquel vous êtes associé ?
La création d’une structure spécialisée s’est imposée à nous en raison du caractère très spécifique des risques psychosociaux (RPS). Prévenir et gérer ces risques exige en effet de mobiliser des connaissances et des compétences particulières. C’est la raison pour laquelle, les prestations proposées par Impact Prévention ont été pensées et élaborées par une psychologue sociale qui, de surcroît, pilote directement l’ensemble de nos interventions. Toutefois, si spécifiques soient-ils, les RPS ne peuvent être compris et gérés sans avoir une vision globale de la prévention. C’est la raison pour laquelle Impact Prévention est enregistré auprès de la DIRECCTE en tant qu’Intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP) et qu’elle s’inscrit dans le réseau Pôle Prévention.
Pouvez-vous nous préciser pourquoi la prise en compte des RPS s’insère naturellement dans une politique globale de prévention ?
Ce lien découle d’abord des dispositions légales et réglementaires qui s’imposent à tous les employeurs. Ainsi, même si nombre d’entre eux n’en ont pas toujours conscience, tout employeur a l’obligation d’évaluer et de prévenir l’ensemble des risques auxquels sont exposés leurs travailleurs, y compris ceux pesant sur leur santé mentale. C’est la raison pour laquelle, afin de répondre à cette obligation, nous proposons un diagnostic des risques psychosociaux à annexer au Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). Cette vision globale correspond du reste à la réalité car les risques physiques et psychiques vont souvent de concert. Pour ne prendre qu’un exemple, il est avéré que les maux de dos ou les troubles musculo-squelettiques peuvent résulter aussi bien de mauvaises postures travail que d’un excès de pression psychologique. C’est pourquoi, l’évaluation des risques – aussi bien physiques que psychiques – permet souvent de mettre le doigt sur des dysfonctionnements et d’engager une démarche de progrès en termes d’organisation ou de management.
Vous avez évoqué le management… Ne pensez-vous pas que face aux RPS, les managers se retrouvent en première ligne ?
Dès lors que les problèmes à régler font intervenir des paramètres humains, les managers sont toujours en première ligne ! C’est pourquoi nous sommes convaincus de la nécessité de les soutenir lorsqu’ils sont confrontés à des problématiques de RPS. En effet, lorsqu’un manager identifie un travailleur en souffrance, il se sent le plus souvent démuni pour lui venir en aide. Il redoute, à juste titre, de ne pas disposer des compétences nécessaires pour établir le bon diagnostic, trouver les mots et les solutions appropriés. C’est pourquoi nous avons élaboré des prestations pour répondre à cette nécessité. Je pense notamment au forfait de consultations psychologiques à distance que l’entreprise met à disposition des salariés lorsqu’elle identifie l’apparition de tensions psychiques dans un collectif de travail.
Souvent, les managers sont aussi désignés comme les responsables de la souffrance psychique de leurs subordonnés…
Certains aimeraient bien que les RPS soient systématiquement provoqués par les fameux “petits chefs”. Ce serait tellement plus simple ! Mais cela ne correspond pas à la réalité et cela empêche de traiter les vraies causes. Pour remédier à cela, nous avons élaboré des sessions de sensibilisation aux RPS, à destination des managers et des représentants du personnel. Leur objectif est de tordre le cou aux mythes simplificateurs véhiculés par certains médias à ce sujet et de permettre ainsi l’émergence d’un langage commun, préalable indispensable à une gestion collective et sereine de ces risques.
En 2016, le nombre des affections psychiques prises en charge par la branche professionnelle de l’Assurance maladie a augmenté de 40 %. Ne trouvez-vous pas que les RPS font l’objet d’un certain emballement ?
Je pense que cette augmentation, loin d’être artificielle, résulte d’un faisceau d’évolutions très profondes. Le premier facteur à prendre en compte est bien sûr la mutation de nos façons de travailler. L’abandon progressif des organisations tayloriennes, pyramidales et hiérarchiques a enrichi les tâches des travailleurs qui jouissent désormais de davantage d’autonomie, mais auquel on demande aussi plus de réactivité, d’engagement, d’initiative… Si bénéfique soit-elle, cette évolution crée une tension psychique d’autant plus forte que les carrières sont devenues moins linéaires et que la conjoncture économique suscite de l’inquiétude. Enfin, parallèlement à cela, il faut aussi compter avec les attentes que nos compatriotes nourrissent à l’égard d’un travail désormais devenu un moyen de s’épanouir et de se réaliser. Cela explique à mon sens l’essor inédit des questions de bien-être professionnel et de qualité de vie au travail et la nécessité, pour les entreprises de s’emparer de ces questions si elles souhaitent maintenir l’engagement de leurs salariés.
Entretien publié par la lettre d’information
et d’analyse Altersécurité, n° 133, septembre 2017